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Des livres et des sons

Proposer de la musique pour les professionnels c’est avant tout la connaître : son histoire, ses couleurs, ses petits secrets et ses anecdotes. Avoir des connaissances solides dans des styles musicaux variés pour être en capacité de répondre au mieux aux besoins de chaque client.

Les livres sont pour moi une source inestimable d’informations, souvent beaucoup plus fouillée que ce qu’on trouve sur internet. Rien de tel qu’un bon bouquin écrit par un amoureux de musique qui s’est consacré corps et âme à un sujet précis pendant des mois, voire des années, avant de publier le résultat de son travail. Faire confiance à des spécialistes qui ont réalisé un vrai travail d’étude et de documentation permet non seulement d’avoir des clefs lorsque l’on se plonge dans un sujet nouveau mais aussi d’approfondir ses connaissances quand on a déjà des bases.

Et puis, je dois bien l’avouer, j’aime aussi le côté charnel du livre ainsi que son côté intemporel, exactement de la même manière que pour le vinyle dont je suis friand depuis une trentaine d’années. Le parallèle ne s’arrête pas là : je considère une maison d’édition exactement comme un label de musique. Lorsque j’en découvre une à l’occasion de la sortie d’un livre précis, j’ai tendance à aller voir le back catalogue et à suivre leurs futures sorties car leur nom est désormais un gage de qualité pour moi. Le côté « artisan » ne me laisse pas insensible non plus. La plupart du temps ce sont des business gérés par des gens qui savent que ce sera dur, et parfois financièrement précaire, mais qui sont animés d’une telle passion qu’ils ne se voient tout simplement pas faire autre chose !

Mais comprenons-nous bien : je suis conscient du bond gigantesque qu’internet a apporté en matière de diffusion de l’information ! Une multitude de gens propagent un contenu pointu et sérieux au sujet de milliers de chapelles musicales, dont certaines sont totalement inconnues du grand public, et je leur tire mon chapeau pour ça. La situation a mutée depuis mais à la base, les blogs des années 2000-2010 ont permis de (re)mettre en lumière une quantité faramineuse d’artistes obscurs ou oubliés.

Le physique, les livres qui sont l’objet de ce post, et le digital, la somme d’informations disponible sur internet, sont les deux faces d’une même pièce. Les écrivains qui publient des livres sont d’ailleurs souvent aussi bloggers; le digital offrant une alternative plus souple et spontanée que l’édition d’un livre bien évidemment.


J’ai choisit de présenter ici cinq livres (parmi tant d’autres) qui m’ont particulièrement marqués et ce, pour différentes raisons.

Jean-Yves Leloup « Ambient music : avant-gardes, new age, chill-out & cinema » (Le Mot Et Le Reste, 2021)

La musique ambient dans ses différentes nuances m’a beaucoup passionnée ces dernières années et la lecture de ce livre a été une mine d’information sur le sujet. Jean-Yves Leloup y décortique non seulement des disques variés sur une quarantaine d’années mais aussi le contexte sociétal, géographique ou historique dans lequel ils ont vu le jour. De la musique avant-gardiste, au new age en passant par une certaine frange du jazz ou des musiques électroniques, on découvre dans cet ouvrage une quantité absolument dingue de disques magnifiques. Un ouvrage de référence !



Henri Texier « A cordes et à cri : entretiens avec Franck Médioni » (Continuité Du Torrent, 2022)

Texier est un artiste peu connu du grand public mais une figure tutélaire du jazz français depuis les années 70. Ses deux premiers albums (sur lesquels il joue tous les instruments !) sont parmi mes disques à apporter sur une île déserte. Contrebassiste, il s’est intéressé à d’autres instruments, notamment le oud, qui donnent à son jazz une couleur vraiment spéciale. Son histoire décrit le parcours d’un homme que la contrebasse a choisi (et non pas l’inverse), des années de galères à jouer à droite et à gauche dans des orchestres pour survivre jusqu’à arriver à force de travail à un statut qui lui permet de vivre correctement de sa musique. La vie d’une légende du jazz qui a croisé les plus grands durant sa longue carrière.

Lloyd Bradley « Bass culture : quand le reggae était roi » (Allia, 2005)

Je parlais un peu plus haut de spécialistes qui ont mené des travaux de documentations exceptionnels; c’est exactement le cas de cet ouvrage qui recèle d’une quantité incroyable de détails et d’anecdotes à propos de l’histoire du reggae et par extension de la Jamaïque. Bradley a tout analysé, décortiqué, recoupé, synthétisé. Il a également rencontré bon nombre d’artistes, chanteurs, musiciens, producteurs, soundmen plus ou moins connus qui ont écrit les grandes lettres du Reggae.  Ces interviews et citations donnent également à son livre un caractère d’authenticité indéniable. Une véritable bible du son jamaïcain.



S.H. Fernando Jr. « The new beats : culture, musique et attitudes du hip-hop » (Kargo, 2000)

A la fois très documenté et ayant bénéficié d’une grande réflexion autour du hip hop, la lecture de ce livre m’a vraiment marqué au tout début des années 2000. On pourrait quasiment dire que c’est un livre philosophique sur un genre qui est passé en moins de 40 ans de l’underground le plus complet à truster les charts de manière outrageuse. Moi qui avait écouté pas mal de rap US dans les années 90, j’ai découvert énormément de choses dans cet ouvrage : des albums fondateurs, des titres particuliers, des mots d’argo, des petites histoires qui ont fait la grande etc.


Eilon Paz « Dust & grooves : adventures in record collecting » (Dust & Grooves Publications, 2014)

Ce livre diffère un peu des autres dans le sens où il est issu de rencontres et d’entretiens. Eilon Paz, son auteur, a d’abord crée un blog pour rendre compte de ses discussions avec de nombreux collectionneurs de vinyles jusqu’à transposer l’affaire en livre de 2 Kg ! On aborde donc la musique via le prisme de collectionneurs, connus ou pas du tout : leur rapport à la musique, leur obsession pour le vinyle, leurs pièces rares, leur meilleures histoires de digging (= "creuser pour trouver des disques ») etc., le tout accompagné de photos prises chez eux. Ce livre m’a touché car 1) je suis passionné de vinyles et quelque part ces gens me ressemblent 2) il fait totalement écho à mon motto « découverte et partage » 3) il dénote bien comment la découverte de musique est un puit sans fond, même pour des diggers avertis…